Kevin Kelly, visionnaire fondateur du magazine « Wired », prédit qu’avant la fin du siècle, 70 % des occupations actuelles étant remplacées par des systèmes autonomes, les humains perdront inévitablement leur travail. Pourtant l’emploi, au cours des derniers siècles, s’est beaucoup transformé mais a continué à augmenter au fil des révolutions technologiques. En outre, le lien favorable entre emploi et nouvelles technologies a également été confirmé au cours des trois dernières décennies. Alors pourquoi le mythe du chômage technologique grossit-il dans l’opinion ?
Une réponse simpliste tient dans la mauvaise appréciation du temps des transitions technologiques entre un ancien monde analogique qui disparaît et un nouveau, numérique, qui émerge. Il suffirait d’attendre… L’accélération des mutations relativise toutefois ce point de vue. Une explication plus fondamentale, issue des travaux du sociologue Michel Freitag, tient à l’arrivée en butée du capitalisme postmoderne, où les logiques organisationnelles et techniques dominent les régulations politiques. C’est l’heure du tout-marché, où, d’après lui, « les valeurs sont subordonnées aux arguments techniques et d’adaptation à l’environnement concurrentiel ».
En conservant la grille d’analyse du temps de la machine (qui n’intègre pas le facteur d’autonomie de la robotique), on peut conclure rapidement que la performance de celle-ci est imbattable et conduit inexorablement à une exclusion des hommes. C’est pourquoi il est fondamental de jeter les bases théoriques de nouvelles références macroéconomiques pour la robotique. Demain, la relation homme-robot ouvrira de nouvelles opportunités de travail, dont la valeur dépassera le simple rapport performance-prix. Elle doit s’enrichir de nouveaux facteurs : connaissance, impact sur la cohésion sociale, acceptabilité, sens…
Bruno Bonnell – @BrunoBonnellOff